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  Saint Augustin  Pages: 1   2  3  4  5    

 Camus et Augustin... Que peut-il y avoir de commun entre le romancier de l'absurde et le « docteur de la grâce », entre l'agnostique drapé dans son éthique d' Homme révolté et le converti soumis, abandonné dans les bras de Dieu ? Aurelius Augustinus et Albert Camus sont deux pieds-noirs, nés en Algérie à près de seize siècles d'écart, également habités par le large et par le vent, par la lumière et par les ombres de la Méditerranée, hantés par le même mystère du mal et de la mort, du destin et du salut de l'homme. Augustin s'abîme dans un face-à-face lyrique avec Dieu - « qui est plus profond que le tréfonds de moi-même et plus haut que le très haut de moi-même » - dont témoignent ses Confessions. Mais Camus n'accepte pas ce Dieu qui aurait été bien impardonnable d'autoriser tout le mal qui écrase le monde. A première lecture, rien ne rapproche donc l'étudiant de Carthage, né en 354 à Thagaste - aujourd'hui Souk-Ahras, pas loin de la frontière tunisienne - et le lycéen d'Alger, né à Mondovi en 1913.

  Albert Camus, qui a été baptisé et a fait sa communion solennelle, découvrira pourtant l'originalité du christianisme dans les Confessions de son aîné converti. Dans Noces, il griffonne ces mots qui figurent encore sur le site archéologique de Tipasa, vestige algérien de la Rome chrétienne : « Je comprends ici ce qu'on appelle gloire : le droit d'aimer sans mesure. » N'est-ce pas la réplique exacte de la maxime d'Augustin : « La mesure d'aimer Dieu est d'aimer sans mesure » ? Mais Albert Camus ne pardonnera jamais à son saint aîné d'être le « père » du péché originel, de la prédestination et de l'enfer, de la culpabilité des innocents et de « la damnation des enfants morts sans baptême ».

  En 1948, lui-même en butte à une réputation de stoïque pessimiste, Camus s'écriera à Paris devant une assemblée de dominicains : « Ce n'est pas moi qui ai inventé la misère de la créature ni les terribles formules de la malédiction divine ! Ce n'est pas moi qui ai dit que l'homme était incapable de se sauver tout seul et que, du fond de son abaissement, il n'avait d'espérance que dans la grâce de Dieu ! » Malédiction d'un augustinisme qui a pour partie trahi Augustin, l'a fossilisé au Moyen Age en « thèses » scolastiques.

  Albert Camus a lu les Confessions et ses strophes admirables sur la grâce et sur l'amour divins. Mais c'est à l'augustinisme qu'il s'en prend ici, autrement dit à l'étonnante postérité d'une oeuvre monumentale et protéiforme : prédications, confessions, méditations, correspondances et même « rétractations ». Jusqu'à la Réforme et aux Lumières, les écrits d'Augustin sur l'humanité pécheresse (une « masse de perdition ») depuis la faute originelle d'Adam et Eve, sur le rachat par la seule grâce de Dieu, concrétisée par la foi et le baptême, ont labouré les mentalités occidentales.

  Après Paul - et bien avant les jansénistes et les calvinistes -, on a fait d'Augustin le porte-parole d'un christianisme pessimiste qui refuse à l'homme sa souveraineté et sa liberté et, par la prédestination, le condamne à la grâce - la promesse du salut - ou à l'enfer de la damnation. Un débat qui traverse toute l'Histoire. « Je pleurais dans les plus amers brisements de mon coeur. Et voilà que j'entends de la maison voisine une voix - jeune garçon ou jeune fille - chantonner à plusieurs reprises : ýPrends et lis. Prends et lis.ý (...) Je me redressai, interprétant cela comme une injonction divine : tout ce que j'avais à faire, c'était d'ouvrir le livre et de lire le premier chapitre sur lequel tomberait mon regard. (...) Je revins donc précipitamment vers l'endroit où j'avais posé le livre de l'apôtre Paul. Je le saisis, je l'ouvris et lus en silence le premier chapitre sur lequel tombèrent mes yeux : ýPlus de ripailles ni de beuveries ; plus de luxures ni d'impudicités ; plus de disputes ni de jalousies.

  Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ et ne vous faites pas les pourvoyeurs de la chair dans les convoitises.ý Je ne voulais pas en lire davantage, ce n'était pas la peine. Aussitôt la phrase terminée, ce fut comme une lumière de sécurité infuse en mon coeur, dissipant toutes les ténèbres du doute. » La douceur de la « lumière » d'août 386 et cette célèbre scène de la conversion d'Augustin dans le jardin de Milan (au Livre VIII des Confessions) - on pense à Claudel et au pilier de Notre-Dame -, marquent l'instant précis où, après des années de tourment intérieur, la volonté cède. C'est l'épilogue d'une lutte longue et sans merci que le jeune homme frivole, concubin d'une femme dont le nom restera caché et père d'un enfant illégitime, Adéodat, mena contre les « convoitises de la chair ». Chercheur de Dieu, coureur de filles : la modernité d'Augustin nous le rend proche. C'est un vieux prêtre de Milan, Simplicianus, qui a vaincu ses réticences par des témoignages concrets de conversion.

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